jeudi 16 septembre 2010

La gouvernance économique de l’Union européenne

La gouvernance économique de l'Union européenne (UE) désigne l'ensemble des politiques économiques mises en place par l'Union. On parle de gouvernance, et non de gouvernement économique, pour mettre en avant la faiblesse de l'intervention de l'Union en ce domaine, le mot gouvernance étant synonyme d'une structure plus souple et davantage fondée sur le partenariat que sur la hiérarchie (même si certains économistes espèrent voir un jour l'émergence d'un véritable « gouvernement économique », v. Jean-François Jamet, « Un gouvernement économique européen : du slogan à la réalité », 2010). De surcroît, cette faiblesse caractérise également le budget de l'UE. En effet, alors qu'elle est la première puissance économique mondiale, devant les Etats-Unis, son budget représente seulement 1% du revenu national brut (UE à 27 en 2009), soit 134 milliards d'euros. À titre de comparaison, le budget de la France en 2009 est de 380 milliards d'euros, et le budget d'un État fédéral comme les États-Unis, est plus de dix fois supérieur à celui de l'UE.

Il existe plusieurs piliers de la gouvernance économique de l'UE sur lesquels nous allons revenir successivement (cf. Jean-François Jamet, 2007 où se trouve un tableau faisant la typologie de ces piliers) :

  • la politique monétaire ;
  • la politique budgétaire ;
  • le budget communautaire ;
  • la Stratégie de Lisbonne ;
  • le marché intérieur ;
  • le Fonds de stabilisation financière.

La politique monétaire appartient à la Banque centrale européenne qui est indépendante de la Commission européenne et des Etats membres de la zone euro. Le traité sur l'Union européenne lui fixe comme objectif d'assurer « la stabilité des prix » (art. 105 TUE), mais il ne donne aucune définition précise de la stabilité des prix. Pour cette raison, en 1998, le Conseil des gouverneurs de la BCE précise que cette stabilité correspond à « une progression sur un an de l'indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH) inférieure à 2% dans la zone euro », et il ajoute que la stabilité des prix « doit être maintenue à moyen terme ». Soucieux de se laisser une marge suffisante pour affronter les risque de déflation, en 2003, le même Conseil nuance, dans le cadre de cette définition, en invoquant une inflation « proche de 2 % » à moyen terme. L'enjeu est de protéger l'euro de toute perte de pouvoir d'achat en surveillant l'évolution de l'IPCH, indice qui se base sur un panier représentatif de biens de consommation et de services achetés par les ménages de la zone euro.

La politique budgétaire relève du Pacte de stabilité et de croissance (PSC). Ce pacte a été adopté par le Conseil européen d'Amsterdam en 1997 et fixe un cadre disciplinant la politique budgétaire des Etats membres : ils s'engagent en effet à ne pas afficher un déficit budgétaire supérieur à 3% du PIB (un volet répressif est prévu en cas de manquement par l'art. 104 TUE) et à conserver une dette publique inférieure à 60%. Avec la crise, le PSC connaît néanmoins d'importantes difficultés. De 2002 à 2009, l'Espagne est passé d'un excédent budgétaire de 2% du PIB à un déficit budgétaire de 11%, et l'Irlande d'un budget équilibré à un déficit de 14%, pendant que sa dette glissait de 25 à 64% du PIB. Selon Jean Pisani-Ferry (''Euro-Area Governance : What Went Wrong ? How to Repair It ?", 2010), cette situation démontre qu'un pays à la situation apparemment solide, peut se retrouver, en quelques années, dans une situation alarmante. Le PSC, selon lui, est un mode de gouvernance déterministe qui ne fonctionne pas dans un monde stochastique (= aléatoire). Il démontre d'une part, qu'il est inefficace en tant que dispositif de surveillance budgétaire de la situation d'un pays, et d'autre part, que les sanctions prévues dans le cadre du PSC ne sont pas adaptées lorsque le déficit affiché est à deux chiffres.

Le budget communautaire a pour but de donner à l'Union les moyens de mener ses politiques. Il est issu des contributions des États membres et se caractérise principalement par sa faiblesse (1% de la richesse globale de l'UE). Le principaux postes de dépense sont la politique agricole, qui représente 41% de ses crédits et la politique régionale (28 %). Les dépenses de l'Union sont limitées par les traités. Le budget de l'UE ne doit pas être en déficit, ce qui signifie que les recettes doivent couvrir le coût total de l'ensemble des activités.

La Stratégie de Lisbonne désigne l'axe majeur de politique économique et de développement de l'Union européenne entre 2000 et 2010. Elle a été décidée au Conseil européen de Lisbonne en mars 2000. Son objectif est de faire de l'Union européenne « l'économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde d'ici à 2010, capable d'une croissance économique durable accompagnée d'une amélioration quantitative et qualitative de l'emploi et d'une plus grande cohésion sociale » (Lignes directrices pour la croissance et l'emploi publiées par la Commission européenne). Les champs de réforme sont l'innovation comme moteur du changement, l'« économie de la connaissance » et le renouveau social et environnemental. En 2010, cette stratégie apparaît comme un échec.

La réalisation du marché intérieur désigne la construction d'un marché unique entre les pays européens. Ce marché doit permettre la libre circulation des personnes, des biens, des capitaux et des services à l'intérieur de l'Union. La Commission estime que le Marché unique a créé 2,5 millions d'emplois depuis 1993 et généré plus de 800 milliards d'euros de richesse supplémentaire. L'ouverture des marchés nationaux de l'Union à la concurrence s'est le plus souvent accompagnée d'une baisse des prix. C'est le cas par exemple des appels téléphoniques ou du transport aérien. Les entreprises profitent désormais d'un marché intérieur de 500 millions de consommateurs environ, ce qui leur permet de réaliser des économies d'échelle et des gains de productivité.

Le Fonds de stabilisation financière a été annoncé le 9 mai 2010 suite à la crise rencontrée par la zone euro. Il constitue une pièce supplémentaire dans la gouvernance économique de l'UE. Ce Fonds est mis en place dans un premier temps pour trois ans. Il peut emprunter 440 milliards d'euros sur les marchés, auxquels s'ajoutent 60 milliards d'euros prélevés sur le budget de l'Union et 250 milliards d'euros, immédiatement opérationnels, apportés par le FMI. C'est donc en tout 750 milliards d'euros de soutien pour intervenir au cas où un Etat membre ne serait plus en mesure d'emprunter sur les marchés à un taux satisfaisant pour financer sa dette publique. Si l'existence de ce Fonds a mis fin aux dégradations en cascade des notes sur la solvabilité des Etats publiées par les agences de notation, certaines voix s'élèvent pour critiquer son mode de fonctionnement, notamment parce qu'il n'a pas été en mesure d'enrayer la chute de l'euro. Dans « Le Fonds de stabilisation financière, une fausse bonne idée ? » (2010), Hans-Werner Sinn réfute l'idée d'une crise systémique qui aurait menacé l'euro, sa baisse étant restée très modérée. En revanche, elle est un moyen pour la plupart des pays européens de pouvoir continuer à se financer sur les marchés à des prix aussi bons qu'avant la crise. Il estime également que le Fonds s'assimile à une assurance tout risque qui rend les ajustements à l'intérieur de l'union monétaire plus difficiles, ce qui constitue un véritable danger à terme (risque de dévaluation de l'euro, accroissement de l'endettement public, exportation de l'épargne allemande, etc.).


Bibliographie


Jamet, Jean-François, (2007). « La gouvernance économique de l'Union européenne : controverses et pistes de réformes », in Question d'Europe, n°67, Fondation Robert Schuman.

Jamet, Jean-François (2010). « Un gouvernement économique européen : du slogan à la réalité », in Question d'Europe, n°167 et 168, Fondation Robert Schuman.

Pisani-Ferry, Jean (2010). « Euro-Area Governance : What Went Wrong ? How to Repair It ?", traduit par Marie-Agnès Schmitt sous le titre "Repenser la gouvernance économique de la zone euro", in Problèmes économiques, n°3001, 1er septembre 2010.

Sinn, Hans Werner (2010). « Le Fonds de stabilisation financière, une fausse bonne idée ? », Problèmes économiques, n°3001, 1er septembre 2010.

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