mardi 26 mai 2009

Décision et organisation

La décision en gestion est un acte par lequel l'entrepreneur transforme son choix stratégique en action visible et concrète. Liée à l'organisation, il s'agit alors de s'interroger sur les modalités de la décision dans un cadre d'action caractérisé par des routines, des habitudes et des structures. En ce sens, toute décision met en évidence non seulement la nature des rôles et des statuts de chacun, mais aussi les relations de pouvoirs et les conflits. Ainsi toute décision possède deux modes d'existence : un mode formel à partir duquel elle est cadrée et un mode réel à partir duquel elle est traduite en action concrète.

Le mode formel de la décision renvoie à sa traduction en tant que réalité supposée ou objectif à atteindre. Le meilleur moyen d'atteindre ce mode de décision est de voir comment est structuré la ligne de commandement de l'entreprise, c'est-à-dire d'étudier son organigramme. Il existe cinq grandes formes d'organigrammes : l'organigramme hiérarchique descendant, l'organigramme fonctionnel, l'organigramme par produits ou services, l'organigramme par centres de profits et l'organigramme par unités stratégiques. Chacun de ces organigrammes se caractérise par un processus de décision, auquel correspondent un support, une justification et une mesure de l'efficacité de celle-ci.

L'organigramme hiérarchique descendant se caractérise par un processus de décision de nature autoritaire. Le support de la décision est le rapport hiérarchique (à chaque statut correspond des droits et des devoirs). La justification est le niveau de pouvoir du décideur. Son efficacité se mesure à l'aune du degré réel du respect et de l'exercice de ses décisions.

L'organigramme fonctionnel se caractérise par un processus de décision décomposée en fonctions de bases (production, R&D, marketing, gestion générale, etc.) selon un domaine spécialisé et une compétence qui lui correspond. Le support de la décision réside dans la compétence du décideur. La justification est le grade occupé au sein d'une fonction. Son efficacité se mesure au rôle réel de ces différentes fonctions.

L'organigramme par produits/services se caractérise par un processus de décision décomposé en produits ou services. Le support de cette décision est la qualité des produits ou des services. Sa justification est le niveau de pouvoir au sein d'une ligne de production. Son efficacité se mesure à la production réelle de ces différents produits ou services.

Les organigrammes par centres de profit ou par unité stratégique peuvent être regroupés. Le premier consiste à individualiser des unités de base responsable du trio financement, production, résultats. Le second en est voisin, mais plus général puisque les unités disposent en outre d'une autonomie stratégique. Dans les deux cas, le processus de décision est décentralisé. Il consiste à connaître et à appliquer les stratégies de l'entreprise. Le support de cette décision est un ensemble défini par des références aux financements, productions, résultats, soir par l'autonomie stratégique qu'elles peuvent avoir et par les résultats financiers obtenus. Son efficacité se mesure au degré d'atteinte des objectifs.

Nous avons donc vu jusqu'à présent le mode d'existence formel de la décision, il s'agit maintenant d'envisager son mode d'existence réel. En effet, dans chaque entreprise, il existe des écarts possibles entre la décision prise et son application. Cependant, il est possible d'envisager en fonction de l'organisation une partie des écarts constatables, le niveau où se fait la décision et son fondement.

Dans l'organigramme hiérarchique descendant, les écarts possibles sont des détournements de pouvoir dus à l'asymétrie d'information. Il arrive en effet que les opérationnels de terrain est une meilleure information que le niveau hiérarchique supérieur qui peut être submergé. Dans ces cas là, il vaut mieux suivre les indications de la base plutôt que d'attendre une hypothétique validation du sommet de la hiérarchie. Le niveau de la décision est la place hiérarchique et son fondement est le pouvoir et le devoir de chacun.

Dans l'organigramme fonctionnel, les écarts possibles sont des détournements de décisions. Il peut être plus simple d'obtenir certains produits en s'adressant directement aux ateliers de fabrication, plutôt qu'aux services d'approvisionnement, et ce, malgré les décisions prises en matière d'approvisionnement. Le niveau de la décision est la fonction et son fondement est son importance stratégique et son rôle réel vis-à-vis des autres fonctions.

Dans l'organigramme par produits ou services, les écarts possibles sont aussi des détournements de décision. Il peut être plus simple de solliciter l'atelier voisin pour faire réparer une machine plutôt que de faire appel au service d'entretien. Le niveau de la décision est le produit ou le service et son fondement son rôle réel au sein des différentes unités.

Dans l'organigramme par centres de profits ou par unités stratégiques de bases, les écarts possibles sont des détournements de stratégies. Ces stratégies peuvent être interprétées, modifiées, voire même occultées. Le niveau de décision est le rôle réel tenu au de ces centres ou de ces unités. Leur fondement est soit l'ensemble financements, productions, résultats pour les centres de profits ; soit l'autonomie stratégique pour les unités stratégiques de base.

En conclusion, la décision n'est pas seulement un processus impliquant des problèmes techniques, elle met aussi en jeux des relations de pouvoir, des conflits d'intérêt et des jeux d'acteurs. On a présenté ici seulement les formes de prises de décisions les plus courantes en suivant un raisonnement logique (dans la réalité les modèles sont beaucoup plus hybrides et les écarts possibles beaucoup plus variés). Il s'agit donc simplement d'une modélisation pouvant servir d'aide à l'analyse des organisations et de la prise de décision en son sein.

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