samedi 30 janvier 2010

La crise financière internationale de 2007

La crise financière internationale de 2007 est le résultat d'une défiance généralisée entre les banques dont l'origine est le marché des crédits subprimes. Cette crise vérifie ce que Minsky appelle le « paradoxe de la tranquillité » : les crises de surendettement se préparent lorsque tout semble aller bien, que les agents économiques profitent de la croissance et des taux d'intérêt faibles pour emprunter. Ainsi lorsque les taux d'intérêt remontent, l'endettement devient rapidement insoutenable et provoque le surendettement.

La crise de 2007 commence par une crise qui secoue d'abord le marché immobilier américain. Depuis plusieurs années, le marché immobilier américain connaît une hausse ininterrompue de la valeur des biens immobiliers. Pour doper encore le marché, les banques se mettent à proposer une nouvelle sorte de crédit, les désormais célèbres subprimes. Les primes sont des crédits accordés aux emprunteurs qui offrent de bonnes garanties. Les subprimes en revanche sont des prêts à risque. Ils connaissent cependant un succès foudroyant. En 2000, ce type de prêt représente seulement 9% des emprunts immobiliers, alors qu'en 2006, il représente 20%. Le marché des subprimes doit sa croissance à la hausse des prix de l'immobilier sur laquelle les banques comptent pour limiter le risque de surendettement. Or cette hausse est elle-même auto entretenue par un excès de crédit : l'accession à la propriété de nombreux ménages fragiles renforce la hausse des prix des biens immobiliers. La brutale hausse des taux d'intérêt au cours du premier semestre 2007 entraîne un ralentissement de la hausse du marché immobilier américain, ce qui entraîne ainsi une forte augmentation des défauts de paiement de ces ménages fragiles.

A cet élément déclencheur, il faut ajouter un élément aggravant qui est la crise de confiance liée à la désintermédiation des marchés financiers. Une banque qui prête de l'argent doit normalement augmenter ses fonds propres (les ressources financières propres à la banque), ce qui freine automatiquement la distribution de crédit (cf. théorie du surendettement de Fisher). Or les crédits subprimes ont été titrisés, c'est-à-dire transformées en titres et placés sur les marchés financiers. Ils ont comme particularité d'offrir de forts rendements pour un risque alors considéré comme faible. La titrisation est une opération financière qui consiste à transformer des prêts bancaires non liquides en titres aisément négociables sur des marchés. Les investisseurs qui achètent ces titres perçoivent en contrepartie les revenus (intérêts et remboursement du principal) issus des prêts. La titrisation permet à une banque de transférer le risque de crédit et ainsi de poursuivre ses opérations d'allocation de prêt sans modifier ses fonds propres. La titrisation conduit au phénomène de désintermédiation, c'est-à-dire au passage d'une économie d'endettement à une économie de marchés financiers où une part importante des financements obtenus par les entreprises ne vient plus des banques, mais directement des marchés. En théorie, cette marchéisation permet une meilleure dissémination des crédits, et donc conduit à une plus grande efficience du système financier. En pratique cependant, la banque qui a octroyé le prêt ne conservant plus ses risques, elle devient moins rigoureuse dans leur évaluation. Par conséquent, la quantité de crédits augmente et leur qualité moyenne se dégrade, créant ce qu'on appelle un comportement opportuniste. Il existe une solution pour limiter ce comportement opportuniste, qui consiste à scinder le portefeuille de prêt en plusieurs tranches plus ou moins risquées, en laissant la banque assumer la part du risque le plus important. Le problème est qu'il est difficile de savoir en pratique quelle est la part effectivement conservée par la banque. On arrive ainsi rapidement à une situation où on ne sait plus vraiment qui fait quoi. C'est pour cette raison qu'une fois le retournement du marché immobilier américain opéré début 2007, une crise de confiance apparaît entre les institutions financières qui détiennent des créances subprimes. Comme on ne sait plus qui porte le risque, une défiance généralisée contamine progressivement tout le système financier.

Le modèle économique le plus pertinent pour comprendre la crise de 2007 est la théorie du surendettement inspiré des travaux d'Irving Fisher en 1933. Cette théorie montre que le surendettement trouve son origine dans un choc de productivité qui a une incidence positive sur la croissance, qui elle-même nourrit les anticipations de profits et se traduit par une augmentation des investissements et donc du crédit. Cette dynamique porte toutefois en elle plusieurs mécanismes de stabilisation. Normalement l'expansion du crédit se trouve d'une part, limitée par une hausse de l'inflation qui a pour conséquence un durcissement de la politique monétaire et une remontée des taux d'intérêt. D'autre part, les banques se voient contraintes dans leur offre de crédit par leurs besoins en fonds propres. Or dans la crise de 2007, ce sont justement ces stabilisateurs automatiques qui n'ont pas fonctionné à cause de la titrisation des créances et de l'éparpillement des risques.

La défiance interbancaire génère ensuite un assèchement des liquidités sur certains marchés financiers. De nombreux agents cherchent à récupérer leur argent et les banques finissent rapidement par manquer de fonds propres. C'est pourquoi fin 2007 et début 2008, de nombreuses banques (Citigroup, Bank of America, UBS, etc.) sollicitent une recapitalisation auprès des banques centrales. En Europe, une ruée bancaire se produit aux guichets de la banque Northern Rock qui se trouve ainsi nationalisé temporairement. Fannie Mae et Freddie, qui sont des organismes assurant les crédits hypothécaires, connaissent des difficultés et sont placés sous la tutelle du Trésor américain. Lehman Brother n'aura pas cette chance et fera faillite le 15 septembre 2008. Beaucoup ont ensuite critiqué le choix du Trésor d'avoir abandonné la banque d'affaire et y ont vu un effet d'aggravation de la confiance interbancaire. A partir de ce moment là, la défiance se transforme en paralysie : plus personne ne souhaite se prêter de l'argent. La semaine du 6 octobre voit les cours boursiers s'effondrer. Les marchés financiers ne percevant aucun moyen de sortir de la crise, les indices perdent 25% de leur valeur. La situation devient alors critique et le spectre de la crise de 1929 resurgit. Seule l'intervention massive des Etats (plan Paulson aux Etats-Unis, multiples plans de relance en Europe) a ensuite permis d'éviter l'histoire de se répéter et a contribué à sauver le système financier de la ruine.

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