Pour l'analyse néoclassique, du point de vue de l'offre de travail, c'est-à-dire des ménages, le choix de travailler est fonction d'un arbitrage avec le temps de loisir disponible. Le modèle néoclassique suppose l'existence d'un individu rationnel dont la préférence naturelle est le loisir. Le travail représente pour lui une renonciation qui entraine une perte de satisfaction. Le salaire récompense donc cette renonciation et l'offre de travail est fonction du salaire proposé par l'entreprise. Plus le salaire est élevé et plus l'individu est prêt à travailler.
Du point de vue de la demande de travail, c'est-à-dire des entreprises, la demande de travail est aussi une fonction, mais elle est cette fois-ci inverse au salaire réel. L'entreprise demande du travail tant que la productivité marginale du travail est égale au salaire payé, au-delà, elle perd de l'argent.
L'analyse néoclassique considère le salaire comme le prix du travail. Ce salaire, appelé réel, permet à l'offre et à la demande de s'ajuster mutuellement. Lorsque l'offre est importante, le salaire baisse pour permettre à l'entreprise d'incorporer davantage de travail. A contrario lorsque la demande est importante, le salaire augmente. Cette situation d'équilibre permet à tous les agents cherchant du travail d'en trouver un. Cela explique que pour les néoclassiques, le chômage est forcément volontaire. Il résulte du choix de l'agent de préférer l'oisiveté à un salaire trop peu élevé. Economiquement, il dispose d'un salaire de réserve (ces propres ressources) supérieur au salaire d'équilibre.
Dans "Internal Labor Markets and Manpower Adjustment" (1971), les néokeynésiens Doeringer et Piore à travers leur théorie du dualisme du marché du travail montrent que le marché du travail n'est pas homogène comme le pensent les néoclassiques, mais il est segmenté. Ils distinguent le marché primaire et le marché secondaire.
- Le marché primaire comporte les travailleurs qualifiés. Ils disposent de perspectives de carrière et de garanties de maintien de leur emploi. Le salaire n'est pas la seule variable d'ajustement, mais l'entreprise peut aussi faire appel à la promotion, aux primes, etc.
- Le marché secondaire concerne les travailleurs peu qualifiés. Les membres de ce marché sont souvent les catégories sociales les plus fragiles : les jeunes, les femmes, les immigrés. Le salaire est alors la seule variable d'ajustement, et ce marché fonctionne d'une manière assez proche de celui du modèle néoclassique.
Ces deux marchés sont complémentaires : le marché secondaire permet aux entreprises d'absorber les chocs conjoncturels. En cas de crise, elles peuvent se séparer facilement d'une partie de leur masse salariale, notamment en utilisant des CDD ou des intérimaires. En outre, ces deux marchés sont relativement hermétiques puisqu'il est assez difficile de passer de l'un à l'autre. Un cercle vicieux enferme les agents dans le marché secondaire à cause de leur incapacité à investir dans du capital humain pour accéder au marché primaire.
Le modèle des insiders/outsiders de Flanagan (1988) critique également l'idée d'une homogénéité du facteur travail. Flanagan distingue deux sortes d'individus : les insiders et les outsiders. Les insiders sont les salariés qui disposent d'une rente de situation parce qu'ils sont bien formés et bien expérimentés et donc difficilement remplaçables. Les outsiders désignent les salariés peu qualifiés ou les chômeurs. A cause de la rente de situation des insiders, les outsiders ne peuvent pas entrer sur le marché du travail : il existe donc une imparfaite substituabilité des travailleurs. Lors des négociations salariales, la priorité est accordée aux insiders et l'intérêt des outsiders (nouvelles embauches, augmentation des salaires) vient dans un second temps.
D'autres néokeynésiens critiquent l'idée qu'il existe un salaire réel correspondant au salaire d'équilibre. L'intuition centrale de cette approche que l'on doit à Leibenstein (1957) est que ce n'est pas la productivité qui détermine le salaire, mais à l'inverse le salaire qui détermine la productivité. L'entreprise a donc tout intérêt à fixer un salaire élevé pour stimuler la productivité. A travers la notion de salaire d'efficience, Stiglitz (1974) montre que les entreprises fixent un salaire plus élevé que le salaire d'équilibre afin de d'inciter les salariés à rester dans l'entreprise et réduire ainsi les coûts liés à la rotation de la main d'œuvre. Akerlov (1984) montre également qu'un salaire plus élevé permet de stimuler la motivation des salariés et donc l'intensité et la qualité de leur travail. Ce salaire d'efficience est une explication possible de l'existence d'un chômage dans les économies de marché et permet de parler dans l'optique keynésienne d'un équilibre de sous-emploi.
La théorie des contrats implicites permet également aux néokeynésiens de dépasser la réduction par l'analyse néoclassique du salaire à un prix de marché. Selon cette théorie que l'on doit à Azaradis (1975), le salaire est une des composantes d'un contrat plus large dans lequel il y a d'autres éléments tels que la perspective de carrière, l'évolution prévisible du salaire, les primes au rendement, les conditions de travail et les risques de licenciement. En d'autres termes, le contrat de travail est toujours plus large que le contrat explicite simplement écrit, il comporte aussi de multiples conventions implicites portant sur plusieurs dimensions de la relation entre le salaire et l'emploi. Par exemple, si des salariés obtiennent une meilleure protection contre les licenciements, une même productivité marginale des travailleurs peut conduire à des salaires différents.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire