mercredi 6 octobre 2010

La réforme des retraites

La réforme des retraites désigne la révision des conditions pour bénéficier d'un revenu lors de son retrait de la vie active. Dans la plupart des autres pays européens, la réforme des retraites passe par une augmentation du nombre d'années de cotisations nécessaires pour acquérir le droit à une retraite complète, une baisse des taux de remplacement des retraites publiques et une sollicitation accrue de l'épargne privée des individus pour compléter leur niveau de vie à la retraite.

La nécessité de la réforme vient du déficit du système actuel dit par répartition. On distingue en effet :
  • les systèmes de retraite par répartition : les cotisants actuels financent les pensions actuelles et comptent sur les cotisants futurs pour payer leur propre pension ;
  • les systèmes de retraite par capitalisation : les cotisations du salarié et éventuellement de son employeur sont placées, le produit de ces placements est versé sous forme de rentes à l'assuré si le besoin se présente avec l'âge.
Selon Henri Sterdyniak (« La réforme des retraites de 2010 : quels scénarios ? », 2010), la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV) devrait connaître un déficit d'environ 11 milliards d'euros et l'ensemble des régimes de retraite et de chômage un déficit de 22 milliards. Ces déficits sont en grande partie imputables à la crise économique car en 2008, ces régimes disposaient d'un excédent global de 4 milliards d'euros. Le coût estimé de la crise représente environ 21 milliards en 2010. Mais pour Henri Sterdyniak, même si certains économistes, la Commission de Bruxelles et le Fonds monétaire international (FMI) préconisent de rassurer rapidement les marchés financiers et les agences de notations sur la soutenabilité des finances publiques, et donc annoncer de fortes baisses des dépenses publiques de retraites, il lui paraît non pertinent d'engager trop précipitamment des mesures de réduction du déficit public (8 % en 2010) :
  • du point de vue social : cela ne ferait qu'accroître les inégalités sociales (dont le gonflement dans les pays anglo-saxons est une des causes de la crise) ;
  • du point de vue économique : le déficit de la demande ainsi provoqué serait probablement comblé par une nouvelle bulle financière, les salariés étant obligés après la crise causée par le dérèglement des marchés financiers, d'y avoir recours pour financer leurs retraites.
Une réforme des retraites importante a déjà été entreprise en 2003, suivie de celle des régimes spéciaux en 2008. Les principaux changements introduits par la loi du 21 août 2003 sont :
  • l'alignement progressif de la durée de cotisation des agents de la fonction publique sur les salariés du privé (soit 40 annuités) entre 2004 et 2008, puis le passage progressif (à raison d'un trimestre par an) à 41 ans pour tous les salariés en 2012, avec instauration d'une décote (ou abattement pour anticipation : coefficient de minoration appliqué à une pension pour une personne prenant sa retraite sans pouvoir justifier des conditions requises pour bénéficier du taux plein) en cas d'anticipation ou au contraire d'une surcote (majoration pour année supplémentaire : majoration de la pension pour une personne liquidant sa retraite après le moment où elle peut prétendre au taux plein) en cas de retardement de son départ en retraite ;
  • la mise en place de deux nouveaux dispositifs d'épargne retraite facultatifs : un contrat individuel (PERP : Plan d'épargne retraite populaire) et un contrat collectif en entreprise (PERCO : Plan d'épargne pour la retraite collectif).
Normalement un nouveau rendez-vous était prévu par la réforme de 2003 en 2012. Mais les dernières projections du Conseil d'orientation des retraites (COR) publiées dans son 8e rapport remis en avril 2010, font état d'une prévision d'un besoin annuel de financement du régime général de 72 milliards d'euros en 2050. La raison principale en est une situation démographique défavorable : l'accès des classes d'âge nombreuses d'après-guerre à la retraite et l'élévation continue de l'espérance de vie contribuent à une inversion du rapport du nombre de retraités au nombre d'actifs. En 2010, les personnes âgées de 65 ans et plus représentaient 17 % de la population française et devraient atteindre près de 25 % en 2030. Cette augmentation représente une charge financière croissante : selon le COR et sans réforme, le besoin de financement du système de retraite serait de 40 milliards d'euros dès 2015.

Il faut ajouter à cela un phénomène sociologique qui est celui de l'entrée de plus en plus en plus tardive sur le marché du travail des jeunes, et donc de la sortie, elle aussi plus tardive, des seniors du marché du travail. Ces évolutions font que les travailleurs à 60 ans n'auront pas travaillé autant que leurs aînés. Par conséquent, les durées de cotisation requises pour obtenir une retraite à taux plein vont s'accroître mécaniquement. Samia Benallah et François Legendre (« Une projection de l'âge de départ à la retraite en 2020 », 2009) montrent que le relèvement de l'âge moyen de départ à la retraite serait de l'ordre de deux ans entre 2005 et 2020. Cette augmentation est également liée à la réforme des retraites de 2003 qui prévoie le passage de 40 à 41 annuités de la durée d'assurance requise.

En juin 2010, anticipant de deux ans sur le rendez-vous prévu en 2003, deux nouvelles mesures ont donc été annoncées par le gouvernement :
  • le report de l'âge légal de départ en retraite à 62 ans en 2018 (à raison de 4 mois par an à partir de la génération 1951) ;
  • l'allongement de la durée de cotisation de l'ensemble des travailleurs à 41,5 ans en 2020.
Le projet de loi présenté en juin 2010 a été examiné par le Parlement en septembre et a suscité une contestation des syndicats (manifestation de 1 à 3 millions de personnes), notamment sur les questions de pénibilité et d'inégalités entre les hommes et les femmes qu'il ne prendrait pas suffisamment en compte. Il a été adopté définitivement par le Parlement le 27 octobre 2010.

Bibliographie

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