lundi 22 novembre 2010

La politique de l’emploi

La politique de l’emploi désigne l’intervention des pouvoirs publics sur le marché du travail pour corriger les éventuels déséquilibres ou bien en limiter les effets néfastes. Elle se caractérise par un ensemble très hétéroclite de dispositifs visant à favoriser l’emploi qui peuvent prendre la forme d’intervention sur le coût du travail, d’incitations fiscales à l’activité, d’une indemnisation du chômage, de préretraites ou bien de mesures ciblées sur les chômeurs (formation, aide à la recherche d’emploi, stages ou emplois publics temporaires). On peut cependant résumer en disant que la politique de l’emploi a un double objectif : favoriser l’emploi et gérer les conséquences sociales du « non-emploi ».

Du point de vue des fondements théoriques de la politique de l’emploi, on retrouve une opposition traditionnelle entre les économistes néoclassiques et les économistes keynésiens.

Selon les économistes néoclassiques, le chômage s’explique par la présence de rigidités sur le marché du travail. Le salaire étant considéré comme un prix, si celui-ci ne peut s’ajuster selon l’offre et la demande en raison de l’existence d’un salaire minimum ou d’un salaire d’efficience, cela entraîne un sous-emploi de la quantité de main d’œuvre disponible. En outre, certains dispositifs tels que l’assurance chômage ou le revenu minimum d’existence jouent comme autant de mécanisme de désincitation à la recherche d’un emploi. Par conséquent, les néoclassiques condamnent a priori les interventions publiques sur le marché du travail dans la mesure où elles constituent une entrave à la flexibilité du salaire, condition sine qua non pour que l’économie atteigne le plein emploi. Toutefois, sous certaines conditions, la politique de l’emploi peut augmenter le niveau d’emploi :

  • · une politique de baisse de charges en direction des entreprises permet de baisser le coût du travail et donc d’augmenter le niveau d’emploi d’équilibre ; elle permet également de diminuer le chômage lorsqu’il y a un salaire minimum (c'est-à-dire lorsqu’il n’y a pas de possibilité d’équilibre sur le marché du travail) ;
  • · une politique d’incitation au travail en direction des salariés (du type Revenu de Solidarité Active qui s’ajoute au salaire pour inciter à la reprise d’emploi) permet de diminuer le salaire d’efficience (salaire supérieur au niveau d’équilibre en concurrence pure), et donc d’augmenter le niveau d’emploi.

Selon les économistes keynésiens, le chômage s’explique par la faiblesse de la demande de travail. Les pouvoirs publics doivent donc intervenir pour permettre de compenser l’insuffisance de la demande globale en mettant en œuvre une politique budgétaire expansive (hausse de la dépense des administrations, politique de grands travaux) et en imposant des mesures de partage du travail (loi Aubry de 1998 sur le passage aux 35 heures).

Par rapport à cette opposition classique, la micro-économie contemporaine procède à trois mises à jour :

  • · la prise en compte de l’hétérogénéité du facteur travail ;
  • · la reconnaissance du rôle de la qualité sur le marché du travail ;
  • · l’analyse du marché du travail en situation d’information imparfaite.

Dans La fin des exonérations sur les bas salaires ? (2006), Yannick L’Horty montre que la baisse du coût du travail non qualifié entraîne une baisse du coût total du travail, ce qui fait baisser les prix et augmenter le niveau d’activité. La mise en œuvre de politiques de baisse du coût du travail ciblées sur les non-qualifiés permet ainsi d’accroître tous les facteurs de production, et donc la demande de travail. Ce travail abonde dans le sens d’une prise en compte de l’hétérogénéité du facteur du travail, et donc par exemple à faire la différence entre travail qualifié et travail non qualifié pour mieux analyser l’efficacité de la politique de l’emploi.

Dans Human Capital: A Theoretical and Empirical Analysis (1964), Gary Becker expose sa célèbre théorie du capital humain. Le capital humain désigne le savoir et les compétences acquises au cours de la vie d’un individu obtenues au prix d'investissements humains (dépenses matérielles, temps, efforts personnels). La politique de l’emploi a donc tout intérêt à la mise en place de politique de formation afin de lutter contre la dépréciation du capital humain qui peut résulter du chômage et de limiter le chômage d’inadéquation, résultant d’un niveau insuffisant de formation de la main-d’œuvre (ou de spécialisations inadaptées à la demande de travail des entreprises). L’investissement en capital humain (formation, éducation, santé) permet d’augmenter la productivité marginale du facteur travail.

La théorie du job search élaborée par George Stigler dans les années 60 se concentre sur l’analyse de la politique de l’emploi sur la recherche d’emploi des chômeurs. Elle permet d’expliquer l’existence d’un chômage frictionnel, c'est-à-dire d’un chômage résultant du processus d’ajustement du marché du travail et des frictions que celui-ci génère. Lorsqu’ils se retrouvent au chômage, les individus qui entament une recherche d’emploi se livrent à un arbitrage entre les offres d'emplois qui leur sont proposées et le fait de rester au chômage. L'information étant imparfaite, il peut être avantageux pour eux de prolonger leur période de chômage pour acquérir le maximum d'information sur les postes disponibles et obtenir ainsi un meilleur salaire. Leur choix dépend de la comparaison entre le coût de la recherche d’emploi et la probabilité de recevoir des propositions plus intéressantes. Ainsi, il est possible de mettre en évidence l’existence d’un salaire de réserve, niveau de salaire à partir duquel un individu accepte de s’engager sur le marché du travail. La politique de l’emploi peut avoir un impact sur ce salaire de réserve, notamment par le biais de dispositifs d’indemnisation chômage : plus les allocations seront généreuses et durables, et plus le chômeur sera exigeant et aura un salaire de réservation élevé.

La macro-économie contemporaine considère que la politique de l’emploi peut avoir des effets bénéfiques sur la consommation et la demande via les revenus des ménages, la détermination des salaires ou la compétitivité des entreprises. Pour les économistes keynésiens, le niveau d’emploi dans l’économie dépend principalement des politiques macro-économiques. Les analyses récentes se situant dans un cadre de concurrence imparfaite sur le marché du travail se sont concentrées sur :

  • · l’impact des politiques macro-économiques sur la détermination des salaires et donc sur le niveau du chômage d’équilibre dans l’économie ;
  • · les effets des mesures sur le fonctionnement du marché du travail et sur l’appariement entre chômeurs et emplois vacants.

Le modèle WS-PS de Layard, Nickell et Jackman (1991) place au cœur de sa réflexion la relation entre fixation des salaires et chômage. Ce modèle met en évidence deux effets de la politique de l’emploi :

  • · un effet coût ou productivité : une diminution du coût du travail (mesures de subventions ou de baisses de charges) ou une augmentation de la productivité du travail (mesures de formation professionnelle) impacte positivement la demande de travail ;
  • · un effet pression salariale : une indemnisation du chômage augmente les exigences des salariés, et agit donc sur la position des salariés dans la négociation salariale, ce qui exerce un effet de pression sur les salaires et augmente le chômage d’équilibre.

Quant à Christopher Pissarides, il propose dans Equilibrium Unemployment Theory (1990), le modèle d’appariement. Ce modèle analyse le marché du travail en termes de flux : des emplois sont en permanence créés et détruits. La fréquence du nombre d’embauches dans l’économie dépend du nombre d’emplois vacants et du nombre de chômeurs. Il va ainsi être possible de déterminer une fonction d’appariement résumant le fonctionnement du marché du travail, c’est-à-dire son efficacité en termes de mise en adéquation des offres et des demandes d’emplois. Une politique active de l’emploi (les services d’aide à la recherche d’emploi et d’accompagnement des chômeurs comme Pôle emploi par exemple) peut ainsi augmenter l’efficacité de l’appariement.

>>> Bibliographie

Christine Erhel, Les politiques de l'emploi, PUF, Que sais-je ?, 2009.

1 commentaire:

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