Le capitalisme désigne un système socio-économique qui conduit à la mise en valeur du capital dans l'activité de production. Le capital, source de revenu, est alors distingué du travail qui permet de le mettre en valeur.
Plusieurs définitions du capitalisme sont possibles. Mais selon Karl Marx, son principal théoricien, le capitalisme se caractérise essentiellement par un mode de production où le travail est transformé en marchandise. Le capitaliste qui contrôle les moyens de production exploite, par ce biais, les travailleurs qui sont contraints de lui vendre leur force pour subsister. Le rapport social fondamental de ce système économique est donc le salariat, c'est-à-dire l'obligation pour une partie de la population (les prolétaires) de vendre leur force en échange d'un salaire représentant le prix payé par le capitaliste sur le marché du travail. D'après Marx, ce mode de production est menacé à long terme par les contradictions qu'il soulève, mais depuis l'effondrement de l'URSS, le capitalisme est généralement considéré comme le seul système d'organisation économique viable.
Au niveau de l'évolution historique du capitalisme, Marx estime que ce mode de production s'impose à partir de la fin du XVIIIe siècle à travers l'accumulation primitive du capital, de manière concomitante au développement de l'industrie. Dans La grande transformation (1944), Karl Polanyi s'intéresse davantage au moment où la logique marchande s'impose véritablement dans la gestion des relations de travail. Il en fixe l'origine au XIXe siècle, et plus précisément au moment de l'abrogation de l'Acte de Speenhamland en 1834 (acte qui prévoyait un impôt pour venir en aide aux pauvres). Cette abrogation a pour conséquence de précipiter des centaines de milliers d'individus sur le marché du travail industriel en Grande-Bretagne. Jusqu'à la Première guerre mondiale, l'économie de marché domine grâce à un processus de « désencastrement » de l'économie par rapport aux domaines politiques, sociaux ou religieux. Cet empire exclusif du marché fragilise le lien social, ce qui entraîne une série de crises politiques majeures, et aboutit à ce que Polanyi appelle « la grande transformation », c'est-à-dire l'ouverture d'une période dans laquelle les forces du marché sont en partie placées sous le contrôle de l'Etat (mise en place d'un droit du travail, développement de la protection sociale, etc.). Ainsi pour Polanyi, s'en remettre seulement au marché pour diriger le sort des êtres humains conduit à la destruction de la société : il n'apparaît comme forme dominante de régulation que dans une période historique bien déterminée. L'évolution de la société vers un socialisme démocratique lui semble donc inéluctable.
L'étude du capitalisme dans ses formes concrètes amène néanmoins à nuancer cette approche univoque de l'évolution du capitalisme et à constater une certaine diversité des capitalismes.
- le modèle anglo-saxon : le marché joue un rôle important et la rentabilité à court terme est privilégiée ;
- le modèle rhénan : l'Etat est plus actif que dans le modèle précédent, les banques et les groupes industriels inscrivent leurs stratégies dans le long terme et dans la recherche d'une certaine cohésion sociale.
- le capitalisme libéral : les firmes dépendent principalement des marchés financiers pour les capitaux et elles ont une vision à court terme du retour sur investissement du fait d'une grande dispersion de l'actionnariat ; le pilotage de la firme est influencé plutôt par les valeurs des share holders (les actionnaires) ; le pouvoir des syndicats est limité ; l'Etat joue un rôle libéral de préservation du marché ; les emplois sont peu protégées et précaires ; la formation et l'apprentissage restent à la charge des individus ;
- le capitalisme coordonné : les firmes sont moins exposées aux pressions des marchés financiers et adoptent une vision à long terme du retour sur investissement du fait d'une plus grande concentration de l'actionnariat dans les mains d'acteurs stratégiques ; le pilotage de la firme est influencé par les valeurs des stake holders (ceux qui prennent part à l'activité de la firme) ; l'Etat facilite la collaboration entre les firmes ainsi qu'entre les salariés et l'encadrement ; l'emploi est mieux protégé ; l'Etat investit dans la formation professionnelle continue.
Ces éléments confèrent différents avantages à leur économie de marché. Les économies libérales sont plus réactives au changement des conditions de marché. Elles présentent des avantages comparatifs dans les secteurs où l'innovation joue un rôle clef (nouvelle économie, services financiers, biotechnologie) ainsi que dans les industries et services à faible valeur ajoutée (travailleurs peu payés, peu formés, peu qualifiés). Quant aux économies coordonnées, elles présentent des avantages dans les secteurs à haute valeur ajoutée qui nécessitent des environnements plus stables et des investissements à plus long terme.
Afin de prendre en compte le cas de pays où l'Etat joue un rôle important dans l'économie, Vivien Schmidt propose une analyse davantage centrée sur la variable institutionnelle des différents capitalismes. Dans The Futures of European Capitalism (2002), elle distingue ainsi trois sortes de capitalismes (les deux premières reprennent les travaux d'Hall et Soskice) :
- le capitalisme de marché (Etats-Unis et Royaume-Uni) : les marchés financiers sont les véritables pilotes des stratégies d'entreprise ;
- le capitalisme dirigé (Allemagne, Autriche, Suède) : la direction de l'entreprise, les relations en réseau (fournisseurs, sous-traitants et clients), et les employés exercent une véritable contrainte sur le pilotage stratégique de l'entreprise ;
- le capitalisme d'Etat (France, Italie) : l'Etat intervient dans ces pays de manière stratégique (cette intervention s'inscrit dans une trajectoire historique puisque dans l'après guerre, c'était lui qui se chargeait d'organiser les relations entre entreprises ou d'intervenir directement de l'économie, puis a progressivement abandonné ce rôle de premier plan pour adopter un rôle incitateur plus orienté vers le marché).
Cette forte intervention de l'Etat permet notamment à l'économie française d'être performante dans les secteurs des télécommunications, de l'électricité, du transport ferroviaire et de l'aérospatiale (c'est-à-dire les grands projets nécessitant un investissement massif et de longue durée).
Dans la même optique institutionnaliste, Bruno Amable dans Les cinq capitalismes (2005) construit une typologie à partir des secteurs institutionnels fondamentaux des économies capitalistes. A partir d'une analyse comparative d'une vingtaine de pays de l'OCDE de cinq secteurs institutionnels (concurrence sur le marché des biens, niveau de déréglementation des marchés du travail, caractéristiques des marchés financiers, degré de protection sociale, système éducatif), il dégage différentes complémentarités institutionnelles et distingue cinq formes de capitalisme :
- le modèle fondé sur le marché (Etats-Unis, Australie, Canada, Royaume-Uni) ;
- le modèle social-démocrate (Danemark, Finlande, Suède) ;
- le modèle européen continental (France, Allemagne, Pays-Bas, Belgique, Autriche, Norvège) ;
- le modèle méditerranéen (Grèce, Italie, Portugal, Espagne) ;
- le modèle asiatique (Japon, Corée du sud).
Toutes ces typologies apportent une compréhension plus fine de la manière dont s'organise la régulation du capitalisme. Elles peuvent cependant être relativisées par l'effet de la globalisation financière qui tend à imposer, dans tous les pays capitalistes, une même logique actionnariale centrée sur la production de valeur pour l'actionnaire. Dans Le Nouvel esprit du capitalisme (1999), Luc Boltanski et Eve Chiapello montrent en effet que c'est l'esprit du capitalisme d'inspiration libérale qui se diffuse dans le monde entier via l'enseignement des business schools plutôt que le capitalisme d'inspiration social-démocrate, ce qui traduirait à terme, une possible victoire du modèle anglo-saxon sur le modèle rhénan.
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