La théorie de la firme U et de la firme M est due à l'historien Alfred Chandler (1918-2007). Elle est développée dans La main visible des managers (The Visible Hand : The Managerial Revolution in American Business, 1977) suite à une analyse historique des transformations organisationnelles connues par les firmes. Lors de cette étude, Chandler remarque que la transformation fondamentale des firmes réside dans leur changement de structures. Elles sont en effet passées progressivement d'une forme unitaire à une forme multidivisionnelle. Cette structure multidivisionnelle est la plus adaptée à un contexte d'avancée rapide des innovations technologiques et à la croissance de la demande des consommateurs pendant la seconde moitié du XIXe siècle. Elle est aussi plus efficace au fur et à mesure que les firmes diversifient leurs activités. En effet, si la forme U (comme unitaire) se caractérise par une forme hiérarchique centralisée et une séparation étanches des fonctions bien définies, la forme M (comme multidivisionnelle) se caractérise par une série de divisions travaillant ensemble et dont la coordination est assurée par une direction générale.La forme unitaire possède un système fonctionnel centralisé. La direction est entourée des départements fonctionnels et est séparée des unités opérationnelles. Les départements ont à charge une fonction spécifique et ils sont dirigés par des spécialistes confirmés du domaine concerné. Les profils de carrière évoluent au sein de chaque spécialité (production, marketing). L'objectif d'une telle organisation est de réaliser des économies d'échelle et de rationaliser la production. Elle est adaptée aux exigences de fabrication statique et fortement standardisée. Cependant dans une telle organisation, la croissance de la firme est limitée car elle augmente les coûts de transmission de l'information et multiplie les risques d'inefficacité. En outre, sa structure connaît trois problèmes principaux : un processus d'innovation peut difficilement se mettre en œuvre à cause de la séparation des fonctions, l'évaluation des départements est compliquée car ils ne sont pas identifiés comme des centres de profit, enfin, la centralisation de la décision risque d'entraîner une perte de contrôle lorsque les flux informationnels augmentent. Ainsi dès qu'une firme élargit ses activités ou que son environnement devient instable, il devient souhaitable d'envisager un passage à la forme M.
Forme U.
Forme M.
La théorie des firmes U et M laissent en suspend deux questions : la question du degré d'autonomie stratégique des divisions et celle de la dynamique de la forme M. Premièrement, le degré d'autonomie stratégique des divisions est problématiques car elles sont prises entre deux tendances : soit entre des procédures de contrôle trop rigide, soit entre des divisions trop autonomes qui conduisent à un émiettement du projet d'entreprise. En outre, la direction générale conserve la responsabilité des décisions stratégiques, notamment celles concernant la nomination des managers de divisions : ces derniers restent donc soumis à son autorité. Enfin, lorsque des divisions ont des liens entre elles, la coordination interne se complexifie car elle repose sur un arbitrage compétition/coopération. Deuxièmement, la dynamique de la forme M concernant son rapport à l'innovation reste problématique puisque si l'on suppose qu'il faut créer une nouvelle division pour chaque nouveau produit, il risque à terme de se produire des problèmes de coordination entre un nombre trop importants de divisions. Pour cette raison, pour les projets innovants, les entreprises préfèrent créer des groupes de projets ou de venture management plutôt que de nouvelles division. Elle peut également réorganiser l'entreprise en unités plus flexibles, plus autonomes et plus réactives, c'est ce qu'on appelle le reengineering.
Enfin, il faut ajouter qu'entre la firme U et la firme M peut prendre place une forme hybride appelée forme matricielle qui est souvent adoptée dans des entreprises qui optent pour des divisions géographiques ou par produits. Dans ce cas, les responsabilités sont croisées : il existe un responsable pour chaque produit et un autre pour chaque fonction. A l'intérieur de la matrice, on trouve également des responsables de cellule (produit/fonction) sur lesquels les responsables fonction ou produit n'ont pas d'autorité hiérarchique. Les objectifs et les conditions de travail sont décidés de manière consensuelle. La performance collective importe plus que la performance individuelle. Le risque étant bien entendu de se voir confronter à un problème de double relation d'agence : chaque responsable de cellule ayant à se référer à son chef de ligne produit et à son supérieur fonctionnel. La cohérence organisationnelle est alors mise en danger.
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