lundi 18 mai 2009

La révolution industrielle en Angleterre

Le laminoir en fer (1872/75),
Adolph von Menzel.

Berceau de la révolution industrielle, l'Angleterre a connu un développement économique précoce dû à sa révolution agricole. Entre 1740 et 1760, elle prend une avance considérable sur les autres pays qui s'est traduite par un décollage massif de l'industrie cotonnière qui a entraîné dans son sillage les autres secteurs : métallurgie et transport notamment. Selon l'historien Paul Bairoch, le facteur déterminent de cette révolution industrielle est l'impulsion initiale provoquée par la révolution agricole et ses interactions avec l'industrie. Durant toute la première partie du XVIIIe siècle, l'agriculture a été une branche motrice du textile et de la métallurgie, deux secteurs qui prennent progressivement leur autonomie, innovent et deviennent des nouveaux moteurs de croissance. L'agriculture a donc généré un effet d'entraînement sur l'industrie. Nous verrons tout d'abord l'effet de masse de l'industrie cotonnière, ensuite le rôle de la métallurgie et de la construction mécanique, la révolution dans les transports par le biais du chemin de fer et enfin les conséquences sociales de révolution industrielle.

L'industrie cotonnière produit un effet de masse par l'intermédiaire de la mécanisation du filage et du tissage et par une croissance fulgurante. Le coton présentant une grande résistance, il a pu servir de vecteur à la mécanisation de l'industrie textile. L'opération de filetage prenait auparavant beaucoup de temps, la filature mécanique du coton a donc été l'agent de la croissance de l'industrie du textile. L'augmentation de la productivité et la baisse du prix de revient du fil de coton permettent un développement considérable de la consommation. Quant à la mécanisation du tissage, elle est plus tardive et ses progrès ne sont pas spécifiques à l'Angleterre. La croissance de l'industrie cotonnière connaît la croissance la plus importante de la révolution industrielle, même si elle est une activité récente. Sa progression est d'abord lente puis elle devient fulgurante après les années 1770. Sur un plan plus général, l'industrie textile représente vers le milieu du XIXe siècle représente 60% de l'emploi industriel en Angleterre et près de 50% de la valeur ajoutée industrielle. Le textile est donc bien une « branche motrice de l'industrie » (J.C. Asselain). Il exerce un effet d'entraînement sur l'industrie métallurgique du fait de ses besoins en machines (effet d'entraînement en amont : les besoins de l'industrie du coton assure les débouchés de l'industrie métallurgique).

La métallurgie occupe en 1841 seulement 6% environ de l'emploi industriel. Elle va pourtant jouer un rôle fondamental dans la croissance économique : après avoir répondu aux besoins d'outillage agricole, elle va satisfaire les besoins en machines de l'industrie textile et les besoins de l'industrie ferroviaire. Le rôle moteur de la métallurgie est tardif mais indispensable : elle fournit des machines et des biens d'équipement de plus en plus diversifiées et exerce un effet d'entraînement sur ses clients par la diffusion des innovations (effet d'entraînement en aval par un transfert de technologie). Des innovations sont à signaler : d'une part dans la sidérurgie, la cokéfaction du charbon pour obtenir un meilleur combustible et ainsi produite de la houille, puis de la fonte et à partir de la fonte du fer (au moyen du puddlage, cuisson dans un four) ; d'autre part dans la mécanique, la machine à vapeur qui marque le développement de l'industrie mécanique. On lui a souvent attribué un rôle exagéré dans l'histoire de la révolution industrielle qui faisait d'elle un moteur de l'industrialisation. Or il a fallu avant tout un accroissement de la demande en produits textiles, qui le véritable facteur déterminant du développement de l'industrie, d'autant que sa mise au point et sa commercialisation prennent du temps.

L'Angleterre pour répondre à la croissance industrielle doit améliorer les transports, les voies navigables et le chemin de fer. Au XVIIIe siècle, le développement industriel conduit à construire des canaux de navigation, domaine dans lequel l'Angleterre est en retard. Dans la première moitié du XVIIIe siècle, les chemins de fer se développent également : l'Angleterre dispose d'un véritable réseau de voies ferrées et est cette fois en avance sur tous les autres pays européens. Les travaux de construction du réseau ont contribué à développer l'emploi, les appels à capitaux pour investir massivement, des crises aussi violentes mais brèves dues à la spéculation boursière sur la valeur des sociétés ferroviaires. Dans la moitié du XIXe siècle, on assiste même à la « railway mania » (la folie du rail) : de nombreuses compagnies sont créées, émettent des actions dont les valeurs flambent et s'écroulent lors de faillites spectaculaires. Plusieurs années sont nécessaires pour que le marché soit assaini et contrôlé par quelques compagnies.

Enfin, il faut souligner les conséquences sociales de la révolution industrielle. La société se trouve bouleversée structurellement : aux différents états de l'ancien régime (noblesse, clergé, tiers état) succèdent de nouvelles classes sociales (la bourgeoisie, la classe ouvrière).

La bourgeoisie existe depuis la naissance des villes au Moyen Âge où elle occupe des activités artisanales ou commerciales. Ainsi la bourgeoisie a toujours eu un intérêt pour les activités économiques et elle construit son ascension sociale en participant aux premières entreprises industrielles. Au moment de la révolution industrielle, l'industrie est une aventure nécessitant goût de la mécanique et esprit d'entreprise, deux qualités dont la bourgeoisie est porteuse. Les besoins en capitaux étant encore faibles, des individus issus de classes moyennes peuvent encore s'autofinancer. C'est le cas notamment de Richard Arkwright, promoteur des premières filatures de coton. Mais à mesure que l'industrie se développe, le financement des activités nécessite un fort apport en capitaux. L'archétype du bourgeois capitaliste est alors « l'homme aux écus » (K. Marx) : un individu ayant accumulé des capitaux des revenus que lui apportent ses terres (cf. les gentlemen farmer) et qui les reconvertit dans l'industrie.

Quant à la classe ouvrière, elle est un phénomène social créée par la révolution industrielle. La naissance du prolétariat inspire toute une pensée ancrée sur l'analyse des phénomènes sociaux. La diffusion du salariat est la marque principale du passage de la société d'Ancien Régime à la société de l'ère industrielle puisqu'elle devient un phénomène majoritaire (60% de la population active à la moitié du XVIIIe siècle en Angleterre). La condition de ces salariés et notamment des ouvriers est extrêmement difficile : misère, pénibilité du travail, temps de travail colossal (15 à 16 heures par jour), travail des enfants, insalubrité des logements, accidents du travail. Elle conduit à une surmortalité dans cette classe : par exemple, à Liverpool dans la décennie 1840-1850, le taux de mortalité des adultes atteint 40 pour mille. En réaction à cette misère, le mouvement ouvrier se développe. Des associations de travailleurs se constituent, comme le mouvement politique et réformateur chartiste formé par William Lovett en 1838, qui parvient à faire voter le Factory Acts qui interdit le travail des enfants de moins de neuf ans, et limite à 12 heures par jour le travail des enfants de moins de quatorze ans. Le mouvement unioniste fondé sur la constitution de syndicats ouvriers (trade-unions) s'organise, les idées socialistes revendiquant la solidarité des ouvriers se diffusent. En 1984, la Première Internationale Ouvrière est fondée, elle est dirigée par Karl Marx.

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